En 1458, Nicolas de Cues écrit le De beryllo et utilise la pierre appelée béryl comme métaphore de l’intelligence. Il imagine un béryl pour l’œil mental, à savoir l’intelligence, une sorte de loupe mentale comme moyen d’atteindre la vérité invisible, dans l’infini. Le béryl permettra de voir ce que l’on ne voyait pas auparavant ; il est un outil permettant à l’intellect humain d’atteindre l’invisible. Dans la métaphore du Cusain, le béryl est une méthode de connaissance supérieure à la logique aristotélicienne. Selon lui, la raison ne peut pas voir la coïncidence du maximum et du minimum dans l’infini parce qu’elle est prisonnière de ses catégories logiques et de son principe de non-contradiction. La raison est aveugle. Sa nouvelle méthode de coïncidence des opposés à l’infini s’adresse à l’intelligence et lui permet de voir ce que la raison ne peut pas voir. Le béryl permet la vision intellectuelle (visio intellectualis). « Le béryl est une pierre brillante, blanche et transparente. On lui donne une forme à la fois concave et convexe, et celui qui regarde à travers elle appréhende ce qui était d’abord invisible. Si on adapte un béryl intellectuel, qui ait une forme maximale aussi bien que minimale, aux yeux de l’intellect, on atteindra par ce moyen le principe indivisible de toutes choses. » (De beryllo, § 3, trad. M. Corrieras) Le béryl permet de mieux se placer sous la lumière de l’intellect divin. Qui plus est, l’intellect humain se verra lui-même, à l’image et à la ressemblance de l’intellect divin. Le béryl permet de voir, au-delà des corps matériels, les réalités intelligibles.

On peut remarquer que le béryl est lui-même une coïncidence des opposés : il réunit en lui le concave et le convexe quand il est taillé sous forme de lentille ; s’il est monté en lunette avec deux pierres, il ne donne cependant qu’une et une seule image à celui qui le porte ; en tant que pierre cristalline, il est à la fois dur et fragile ; enfin, dans son rapport à la lumière, il peut la renvoyer et éblouir en scintillant comme il peut la capter et la rassembler pour aider la vue.

Traduction :

Le traité du béryl, Tome 1, Texte, traduction et notes de Maude Corrieras, Paris, éditions Ipagine, 2010

étude :

Corrieras, Maude, Le traité du Béryl, tome 2, Paris, Ipagine, 2012