Les Compléments Mathématiques sont le traité mathématique le plus volumineux de N. de Cues. Celui-ci a reçu au cours de l’année 1453 la nouvelle traduction des oeuvres d’Archimède commandée par le pape Nicolas V à Jacob de Crémone. On peut supposer que la lecture de cette traduction a relancé ses recherches mathématiques. Il commence par dénoncer l’insuffisance d’Archimède pour sa méthode des spirales et il apporte sa solution au moyen de la coïncidence des opposés. Il rappelle sa méthode des isopérimètres, puis se lance dans 14 propositions sur les propriétés des polygones et des cercles, largement inspirées d’Archimède et de Bradwardine. La principale proposition, la douzième, est longuement développée ; elle pose une proportion entre lignes droites et surfaces : cette proposition exprime le principe de la méthode des isopérimètres. Le reste de cette première partie est essentiellement constitué de reprises de la seconde quadrature : le tableau de proportions carré, l’équivalence du cercle et du rectangle inspirée d’Archimède et de Bradwardine, et le calcul inachevé. Certains passages sont recopiés mot pour mot. Dans un souci pratique, N. de Cues ajoute la représentation d’équerres articulées facilitant la construction de figures proportionnées. Cette première partie se termine par l’évocation de l’objection de Toscanelli dans une lettre reçue durant l’hiver 1453-1454, De quadratura circuli, Magister Paulus ad Nicolam Cusanum, et justifie, pour y répondre, l’addition d’une seconde partie. N. de Cues, pensant sans doute pouvoir facilement écarter la critique de son ami Toscanelli, rédige précipitamment une seconde partie des Compléments, au risque de se tromper davantage. Il devra d’ailleurs biffer un paragraphe avec la mention Vacat, paragraphe qui proclamait un peu vite l’accomplissement de la quadrature du cercle. Apparemment, il ne semble tenir aucun compte de l’objection faite : il commence par exposer l’engendrement des lignes, des surfaces et des volumes par le mouvement des lignes. En fait, il se donne sans l’annoncer ce qui est en question, à savoir la représentation d’un mouvement courbe par une ligne droite. Il poursuit donc ses démonstrations sur la lancée de la douzième proposition de la première partie : le rapport des surfaces est celui des lignes par le mouvement desquelles les surfaces sont engendrées. Il semble que son objectif principal ne soit plus vraiment la résolution de la quadrature du cercle, ni la défense de la méthode des isopérimètres, mais la recherche d’un passage aisé du droit au courbe. Tous les engendrements de figures courbes qu’il décrit par le mouvement de droites, sont admissibles à condition qu’on dispose de la proportion exacte entre un rayon et la circonférence d’un cercle. Or, N. de Cues fait comme s’il avait cette proportion, mais il ne la démontre pas. Cependant on peut entrevoir une réponse à Toscanelli par le fait qu’il retourne le problème : au lieu de convertir une droite en courbe - c’est le principe de la méthode des isopérimètres qui, partant des polygones, cherche un cercle -, il cherche à convertir une courbe en droite. C’est un bon réflexe intellectuel, mais l’opération peut se révéler décevante si les bases du raisonnement restent fausses. On peut se demander, ici, si N. de Cues a bien compris l’objection de Toscanelli. Croit-il que la difficulté puisse être facilement surmontée par un simple renversement du sens de la recherche ? On peut aisément admettre que le Complément mathématique a été diffusé, puis discuté par l’entourage de N. de Cues : Toscanelli, le pape Nicolas V, Peurbach..., et qu’une correspondance peut-être abondante, dont nous n’avons malheureusement aucune trace, a été échangée sur ces démonstrations. |