Le De non aliud (1462) est un nouvel effort du Cusain pour trouver un nom plus adéquat de la divinité. Le « non autre » semble effectivement bien correspondre à l’unité et à l’identité de Dieu. Procédant « en creux », cette définition suit l’esprit de la théologie négative. De plus, elle permet de dépasser la logique aristotélicienne fondée sur le principe de non-contradiction. L’altérité est l’opposé de l’unité ; elle est ce par quoi le monde créé se développe dans sa diversité et sa multiplicité, Mais définir Dieu comme le « non-autre » n’est pas sans paradoxe. Ainsi : "Celui qui voit comment le non-autre, qui est l'autre de l'autre, n'est pas l'autre, voit l'autre de l'autre qui est l'autre des autres." (Du non-autre, ch. 24, 122, trad. H. Pasqua, Cerf, 2002, p. 118). Cette phrase donne un aperçu du style très abstrait de l’ouvrage. Le Cusain ne confond pas l’altérité avec une négation ; dans l'expression "non-autre", les deux termes n'ont pas la même signification ; le non-autre n’est pas le non-non-même, car l'altérité désigne avant tout le créé. Le non-autre est, bien sûr, identique à lui-même, immuable, mais il est surtout l'incréé et le transcendant au monde. Définir Dieu comme le non-autre, c’est en faire le premier principe de toute chose.
Le guide du penseur ou du non-autre (De non aliud), trad. Hervé Pasqua, Ker Lann (Rennes), Cahier du C.E.R.P. n°10, 1995. rééd. Paris, Cerf, 2002. |