Le texte De la perfection mathématique date de 1458. N. de Cues le considérait comme son meilleur traité mathématique, un peu comme le point d’orgue de sa recherche. Les six dernières pages du Codex Cusanus 218 sont des pages effacées. Grâce à des procédés chimiques, on a retrouvé des traces d’encre et on a pu en partie déchiffrer le texte ; on a découvert qu’il s’agissait d’une première version du De Mathematica Perfectione dont N. de Cues n’était pas satisfait. L’analyse des différences avec la version définitive permet d’éclairer quelques aspects de la démarche de l’auteur.

C’est dans cet ouvrage que N. de Cues introduit sa notion de visio intellectualis . Il semble avoir renoncé définitivement à déterminer exactement, par des procédés purement rationnels, l’égalité de la droite et de la courbe. Il recourt donc à l’intuition ; mais il faut justifier cette nouveauté. Ce qui est remarquable, c’est que la version définitive de l’ouvrage est très laconique sur la définition de la vision intellectuelle, alors que la première version en partie déchiffrée aujourd’hui semble plus explicite.

L’introduction de la vision intellectuelle est-elle un moyen de forcer l’adhésion faute de démonstration probante pour la quadrature du cercle ? Est-elle un coup de force de la part d’un cardinal qui sent son autorité intellectuelle remise en cause par ses amis ou ses disciples ? Ou bien encore, est-elle la divulgation finale du procédé inavoué jusque-là par lequel N. de Cues raisonnait sur ses figures ? Il est évident que la dimension mystique de la vision interfère dans une recherche mathématique dont la finalité, ne l’oublions pas, était de conduire d’une certaine manière à Dieu.