[1 page]                                                Télécharger le texte complet (409 Ko, format .doc)

             Nicolas de Cusa, De la docte ignorance, Paris, éd. de la Maisnie, P.U.F., 1930.

Il nous a semblé utile de mettre en ligne cette traduction française de la Docta Ignorantia, libre de droits, car elle est devenue introuvable en librairie. Le texte en est défectueux. Une nouvelle traduction a été publiée par H. Pasqua.

~~~~~~

Le cardinal Nicolas de Cusa au très Révérend Père le cardinal Julien, son maître vénérable.

Ton génie, de tout premier ordre et si apprécié, s'étonne à juste titre : que signifie donc ce fait que je te prends pour arbitre, tandis que je tente d'exposer — inconsidérément — mes extravagances maladroites ? Toi qui, va ton rôle de Cardinal auprès du Siège Apostolique, te trouves si occupé par des affaires publiques de la plus haute importance, tu aurais encore quelque loisir ? Et, tandis que tu connais parfaitement tous les écrivains latins qui ont brillé jusqu'à ce jour, et même, maintenant, les Grecs, tu pourrais être attiré, par la nouveauté du titre, vers mes conceptions peut-être très gauches ? Pourtant, tu sais parfaitement déjà quelle est la mesure de mon talent. Mais cet étonnement que tu auras, sans penser trouver ici des idées inconnues jusqu'aujourd'hui, en voyant avec quelle audace j'ai été amené à traiter de la docte ignorance, entraînera, je l’espère, ton esprit avide savoir, à prendre connaissance de mon livre. En effet, l'histoire naturelle nous rapporte qu'une sensation pénible dans le palais précède l'appétit, de telle sorte que la nature qui s'efforce de se conserver saine, reprenne des forces une fois stimulée. Ainsi ai-je raison de penser que le fait de s’étonner, qui entraîne celui de philosopher, précède le désir de savoir, de sorte que l’intelligence, dont l’être consiste à rendre intelligible, reprenne des forces dans l’ardent désir de la vérité. Les choses rares ont beau être monstrueuses, d'ordinaire elles nous émeuvent. C'est pourquoi, ô toi qui es un maître incomparable, je te prie d'estimer que, eu égard à ta bonté, quelque chose de digne de toi est ici caché, et de recevoir d'un Allemand une façon de raisonner sur les choses divines, quelle qu'elle soit, que mon travail acharné m'a rendue très chère.