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On dit de N. de Cues (1401-1464) qu'il fut le dernier penseur médiéval et le premier penseur de la Renaissance. Né à Cusa, sur les bords de la Moselle en Allemagne, N. de Cues a suivi des études de droit canonique. Il participe au Concile de Bâle à partir de 1432. Cet épisode lui inspire sa première oeuvre en 1433, le De Concordia Catholica. Mais en 1434, il perd un procès et se tourne vers le pape dont il va devenir un précieux collaborateur. En 1437 et 1438, il est envoyé en mission en Crète pour réunir un synode entre l'église grecque et l'église de Rome. C'est pendant le voyage en bateau qu'il a l'idée de la coïncidence des opposés.
En 1440, il écrit son principal ouvrage
philosophique, De Docta Ignorantia. Immédiatement, il le complète par
le De Conjecturis qui se présente comme un art général de la
conjecture avec quelques applications pratiques. Il se sert de figures
géométriques dont la plus célèbre est la figure P (L.I, ch. 11) pour
traduire à la fois l'unité et l'altérité de Dieu et du monde.
N. de Cues écrit sa première oeuvre mathématique, le
De Transmutationibus geometricis, en 1445 ; il est alors
porte-parole du pape Eugène IV au concile de Bâle. Sa réputation de juriste
et de polémiste est telle qu'on le surnommera l'" Hercule des Eugéniens". Il
est envoyé en Septembre 1446 à la diète de Francfort, puis en Juillet 1447 à
la diète d'Aschaffenbourg pour rallier les électeurs de ces régions au parti
du pape. Il reçoit de nombreuses sommes d'argent de la curie pour ses
dépenses de voyage et pour les services rendus; il reçoit également de
nombreuses faveurs : bénéfices ecclésiastiques, pouvoirs particuliers
d'absolution; les titres, enfin, s'accumulent : sous-diacre du pape et
archidiacre de Brabant depuis 1442, il nommé cardinal par Nicolas V en
Décembre 1448 et prêtre de Saint-Pierre-aux-liens en Janvier 1449.
Le De Arithmeticis complementis paraît en 1450.
Il écrit aussi le De Idiota dont le livre le plus important est le
De mente. On y trouve des concepts centraux pour sa théorie de la
connaissance. La pensée est définie comme mesure, comme nombre vivant, comme
mouvement de la passion vers l'intellection.
Sa production s'interrompt pendant près de trois ans ; du
31 Décembre 1450 au 12 Avril 1452, N. de Cues accomplit la plus
importante mission de sa carrière, la grande légation en Allemagne; il doit
réformer la vie religieuse sur un territoire s'étendant de la Suisse à
Hambourg, de Louvain à Magdebourg. En quinze mois, il parcourt plus de 70
villes, passant à Salzbourg, Mayence, Magdebourg, Cologne, Trèves,
Hildesheim, Nuremberg, Munich, Utrecht, Amsterdam, Leyde, Liège, Luxembourg,
Louvain, etc. Il préside des synodes, publie des décrets de réforme, entend
les plaintes, tranche des conflits, rétablit l'ordre dans les impôts
ecclésiastiques, met fin aux abus, réprime le commerce dans les églises,
prononce quantité de sermons, nomme des délégués. Accompagné d'une petite
troupe de trente hommes, il est reçu avec éclat dans la plupart des villes.
Les foules se pressent parfois au point de s'étouffer sur son passage. Il
est l'un des rares cardinaux allemands du moyen âge. Il cherche à réduire
les cultes superstitieux et les pèlerinages pour des reliques suspectes. Ses
sermons sont parfois durs. La tâche la plus rude consiste à réformer la vie
dans les monastères; les habitudes de luxe, les entorses à la règle, en
particulier le concubinage, sont multiples. Pour y parvenir, il convoque des
conciles provinciaux réunissant des archevêques, des évêques et des délégués
diocésains, il menace d'excommunication des communautés entières si, dans
les trois jours, les concubines ne sont pas renvoyées; il désigne ensuite
des visiteurs chargés de vérifier pendant un an l'application de ses décrets
dans les monastères.
L'année 1453 est l'une des plus fécondes de sa
vie. Il vient de recevoir la nouvelle traduction des oeuvres d'Archimède
commandée par le pape Nicolas V à Jacob de Crémone. Il écrit le De
Mathematicis complementis. Aussitôt après, il rédige le
Complementum Theologicum. Avec ce texte, N. de Cues inverse l'ordre
habituel de rédaction de ses idées : il a écrit un complément mathématique;
il le complète aussitôt par un complément théologique pour montrer les
applications de ses idées mathématiques en théologie (alors
qu'habituellement, les textes mathématiques sont conçus comme des
illustrations après-coup de ses thèses théologiques). Les deux registres
coexistent en permanence dans ses préoccupations.
Le 30 Septembre 1458, après qu'il a définitivement
perdu son diocèse, N. de Cues rentre à Rome. Il écrit le De mathematica
perfectione dans lequel il change de position : renonçant à déterminer
exactement l'égalité de la droite et de la courbe, il recourt à l'intuition.
N. de Cues considérait cet ouvrage comme son meilleur traité mathématique.
La fin présente une accumulation d'opérations réalisables par la coïncidence
des opposés et laisse croire ainsi au triomphe de cette méthode.
En Janvier 1460, N. de Cues doit retourner à Brixen pour réaffirmer son autorité. Malheureusement, il est à nouveau attaqué par une armée de 500 cavaliers et 3000 fantassins. Il se réfugie en Avril à Andratz, mais doit rapidement se rendre; sous la contrainte, il signe un traité par lequel il renonce à sa juridiction temporelle, abandonne les châteaux attachés à l'évêché, annule ses décrets, paie une rançon, etc. Sitôt libéré, N. de Cues récuse ce traité arraché de force et rentre à Rome.
Il écrit en 1462 un nouveau dialogue entre platoniciens
et aristotéliciens, le De non aliud afin de définir une nouvelle
conception de Dieu comme " non-autre ". Il ne quittera plus Rome jusqu'à sa
mort, le 11 Août 1464.
La biographie la plus complète de N. de Cues :Meuthen, Erick et Hallauer, Hermann, Acta Cusana, Quellen zu Lebengeschichte des Nikolaus von Kues, 3 vol. , Hamburg, Felix Meiner, 1996. Les Acta Cusana sont en partie accessibles en ligne (jusqu'à l'année 1452) : http://actacusana.de dernier paru : Acta cusana: Quellen zur Lebensgeschichte des Nikolaus von Kues, vol. 2, fasc. 3: 1454 Juni 1 – 1455 Mai 31, ed. Johannes Helmrath and Thomas Woelki, Hamburg: Felix Meiner Verlag, 2017.
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