La méthode des isopérimètresParmi les diverses méthodes auxquelles le Cusain sessaie, la plus révélatrice est la méthode des isopérimètres. Cette méthode consiste à comparer des figures de même périmètre, les isopérimètres : partant d’un triangle équilatéral, pris comme polygone régulier le plus simple, on augmente progressivement le nombre de côtés des autres polygones réguliers isopérimétriques, jusqu’au cercle, pour en chercher le demi-diamètre. Dans les polygones réguliers et isopérimétriques, variant du triangle au carré, etc. jusqu’au cercle, la différence de surface entre le cercle inscrit et le cercle circonscrit est extrême dans le triangle, puis s’amenuise dans le carré, etc., jusqu’au cercle. Dans le cercle, on peut considérer que le cercle inscrit et le cercle circonscrit coïncident. Selon N. de Cues, il suffit de déterminer la proportion entre ces cercles, au moyen de leurs demi-diamètres, pour trouver le rapport entre la surface d’un cercle et celle d’un carré.
La première proposition auquel il aboutit sera le point de départ de toutes les discussions ultérieures : Le demi-diamètre du cercle isopérimétrique au triangle inscrit se rapporte à la ligne menée du centre du cercle, auquel le triangle est inscrit, au quart de son côté, en proportion des cinq quarts. (Fig. 1, p. 83) Ses démonstrations nous paraissent aujourdhui bien maladroites. Mais il ne faut pas oublier que N.de Cues ne disposait ni du symbolisme algébrique, ni de lanalyse géométrique, ni du calcul fonctionnel, ni de la trigonométrie. Ses démonstrations reposent uniquement sur des rapports proportionnels, comme dans lAntiquité. La méthode des isopérimètres revient essentiellement à chercher une proportion. Mais, le problème est que N. de Cues ne va pas - parce que cest impossible - trouver une proportion satisfaisante. Voyons une des principales constructions que lon trouve dans un petit traité de 1450 :
Or, N. de Cues se prend lui-même au piège lorsquil ne trouve entre ces rayons quun seul genre de proportion, à savoir la proportion «droite». Il exclut une variation «courbe» dans les proportions. Il croit que les rayons des cercles inscrits aux polygones isopérimétriques, ainsi que les rayons des cercles circonscrits aux mêmes polygones, croissent et décroissent en proportion continue, alors quen réalité la proportion suit une fonction asymptotique vers linfini. On peut sétonner de ce quune telle fonction, facilement repérable sur de simples figures, nait pas été entrevue par N. de Cues. Il suffit de dessiner les cercles inscrits et circonscrits à des polygones réguliers isopérimétriques comme le triangle, le carré, puis un hexagone et un heptagone, par exemple, pour voir que la différence entre les rayons ne diminue pas régulièrement. Mais N. de Cues pense que grâce à des rapports proportionnels simples, on peut établir des variations uniformes, et par là, que ces variations peuvent toujours être représentées par des droites. En 1453, il reçoit une lettre de son ami florentin Paolo Toscanelli qui lui signale son erreur : Mais sil nest pas vrai que la droite passe ainsi, mais que, daventure, une courbe de quelque courbure passe de la première du triangle par les premières de tous les polygones jusquà la première du cercle, alors cette invention nest pas suffisante . Le plus étonnant est de lire dans la lettre de son ami Toscanelli lindication claire de son erreur ; mais N. de Cues ne veut pas la voir ; il poursuit sa fausse route. |