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Les
Transmutations
Comment établir une égalité entre une ligne droite
et une ligne courbe ? Nicolas de Cues s’attaque à ce problème dès son
premier ouvrage mathématique intitulé Les Transmutations
Géométriques, de 1445 ; c'est un
ouvrage composé d’une façon tout à fait classique pour un traité
mathématique. Dans l’introduction, N. de Cues donne des définitions,
pose le problème général - comment établir un rapport proportionnel
entre une courbe et une droite -, puis le subdivise en quatre questions
pour le résoudre. Le titre - Les Transmutations - renvoie bien
évidemment à l’alchimie. N. de Cues a passé quelques semaines, au
printemps 1428, à Paris, avec son maître Heymeric de Campo, pour
recopier des textes alchimiques attribués à R. Lulle (en réalité, de
la main d’Arnaud de Villeneuve). Bien qu’il ne semble guère en avoir
eu la pratique, N. de Cues accordait peut-être une certaine valeur à l’alchimie,
en tant qu’elle renversait la théorie aristotélicienne de la
séparation des formes en genres et espèces. La transmutation bouscule la
physique d’Aristote. Promettre des transmutations géométriques, c’était
donc dépasser la logique péripatéticienne.
Son objectif est de montrer la fécondité du principe
de la coïncidence des opposés en géométrie. Il prétend avoir trouvé,
grâce à ce principe qui s’appuie sur l’infinitisation des figures, l’art
de convertir le courbe en droit, et réciproquement, et donc, il croit
détenir la solution au problème de la quadrature du cercle. La première
proposition sera le point de départ de toutes les discussions
ultérieures :
Le demi-diamètre du cercle isopérimétrique au
triangle inscrit se rapporte à la ligne menée du centre du cercle, dans
lequel le triangle est inscrit, au quart de son côté, en proportion des
cinq quarts .
On dessine un triangle équilatéral ; on trace son
cercle circonscrit et son cercle inscrit ; on marque le point e au
quart du côté du triangle, au milieu de bf;
Le rayon ah du cercle isopérimétrique au
triangle sera le segment tracé du centre a, passant par e
égal aux cinq quarts de ae.
N. de Cues ne démontre pas cette proposition, mais il affirme qu’on
peut déterminer par elle l’égalité entre un carré et un cercle : On
peut donner un carré plus grand pour un cercle donné - plus grand,
cependant pas d’une partie aliquote de ce carré; et on peut donner un
carré de telle sorte qu’il soit un carré plus proche encore du cercle,
au point qu’aucun ne sera plus proche et qu’aucun ne sera plus petit d’une
partie aliquote du cercle . Et pour être bien compris, il déclare :
Et je tiens ce point de vue pour le plus vrai.
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Avec cette proposition, N. de Cues se lançait, sans le
savoir, dans une entreprise qui le dépassait quelque peu. Voici un
exemple de transmutation d’un triangle en cône par un mouvement de
rotation, donné dans le De Mathematicis complementis :
abc est un triangle, le côté ab décrivant un
conique, et cb étant le demi-diamètre de la base. Tire la
ligne ac en continu, et mène de b une ligne de
sorte que tu fasses un triangle égal, qui est bdc. Il est
manifeste, si ad reste fixe, le triangle abd
tournant autour, qu’il résulte un rhombe des deux coniques
égaux. Tire donc ab en continu, ce qui fait be
comme ab : il est clair, si on fait la rotation comme
avant, que la ligne be produit une surface triple de la
surface de ab, et ae une surface conique quadruple
de celle de ab. D’où, si tu élèves bd au milieu
entre bd et be - cela fait bg -, il en
résulte une surface double, avec bd une égale, et avec be
une triple. Et toujours on arrive au milieu, quand on fait un
angle droit avec le demi-diamètre de la base : et si on élève
plus ou moins, on produit plus ou moins.
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Manquant
de la représentation en perspective, N. de Cues semble obscur
dans sa construction. On peut comprendre le mouvement ainsi :
Lorsque
le triangle abc tourne autour de l'axe ce, ab
décrit une surface conique. Lorsque le triangle abd tourne
autour de l'axe ad, il forme un rhombe. Lorsque le triangle
aed tourne autour de l'axe ed, ae décrit une
surface conique quadruple de celle de ab.
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