Archimède

Aristote

Augustin

Boèce

Bradwardine

Campanus

Euclide
Heimeric de Campo
Lulle
Maître Eckhart
Proclus
Pseudo-Denys
       

Saint Augustin (354-430) 

 

Les emprunts de N. de Cues à saint Augustin sont nombreux ; nous n'en citerons que quelques-uns : la Trinité est réellement unité ; y introduire le nombre, c'est se tromper ; du Dieu uni-trine, on trouve une image dans les trois facultés de l'âme que sont la mémoire, l'intelligence et la volonté ; le nombre a été le principal exemplaire des choses ; comprendre est le mouvement et le repos de l'intelligence ; il y a trois modes de la connaissance : le sensible, l'intellectuel et l'intelligentiel ; l'Esprit de Dieu est unique et opère en toutes choses ; on doit admirer la beauté, l'ordre, le nombre et la mesure dans l'univers comme dans chacune des oeuvres de Dieu ; l'âme ne sait rien de Dieu, sinon qu'elle l'ignore, etc ... 

L'amour de l'intelligence à travers la Trinité de Dieu, voilà, semble-t-il, la grande idée que N. de Cues retient de saint Augustin : "Ne va point au-dehors, rentre en toi-même, c'est dans l'homme intérieur qu'habite la vérité." (saint Augustin, De vera religione, chap.34). L'intelligence est ce par quoi l'homme peut trouver la vérité. Malgré l'impression de scepticisme que peut donner parfois la théorie de la docte ignorance, on sait que le doute n'est, pour N. de Cues, qu'une étape et même un stimulant pour la recherche de la vérité. "Non seulement celui qui dit : " Je sais " et qui dit vrai, il est nécessaire qu'il sache ce que c'est que savoir ; mais même celui qui dit " Je ne sais pas ", et qui le dit à juste titre avec assurance, sait également ce que c'est que savoir. Il distingue en effet savoir et non-savoir quand il dit avec vérité et devant l'évidence : " Je ne sais pas " ; et, puisqu'il sait qu'il le dit avec vérité, d'où le saurait-il, s'il ne savait ce que c'est que savoir." (saint Augustin, De Trinitate, X, I, 3). 

On trouve des prémisses assez claires de la docte ignorance dans ces propos augustiniens : "L'âme ne peut s'ignorer absolument, elle qui, tout en s'ignorant, se connaît encore. Si elle ignorait son ignorance, elle ne se chercherait pas pour se connaître. C'est pourquoi, par le fait même qu'elle se cherche, elle prouve qu'elle se connaît plus qu'elle ne s'ignore. Elle se connaît se cherchant et s'ignorant tandis qu'elle se cherche pour se connaître." (id, X, III, 5). On ne s'étonnera donc pas de trouver une continuité de saint Augustin à N. de Cues sur la théorie de l'intelligence. 

En revanche, l'influence de saint Augustin en philosophie des mathématiques ne peut être que fort discrète car celui-ci ne possède que des notions très élémentaires d'arithmétique. On aura donc seulement quelques réflexions sur la fonction symbolique du nombre en théologie, dans De Libero arbitrio, I, 2, C.8. Saint Augustin reprend pour l'essentiel la théorie plotinienne du nombre comme intelligible : Dieu a mis en notre âme l'intelligence du nombre et chaque notion numérique est un reflet du nombre non-sensible. Sans le nombre, plus rien n'existe. N. de Cues soutient la même idée : "Enlevez le nombre et il n'y aura plus de distinction des choses, d'ordre, de proportion, d'harmonie et même de pluralité des êtres." (De Docta Ignorantia, I, 5, Herder, I, 208). Le nombre est un signe divin. Selon la formule du livre de la Sagesse (XI, 20) - " Tu as tout disposé selon la mesure, le nombre et le poids " -, le nombre partage avec Dieu un attribut essentiel : il ne ment pas. On peut donc s'y fier entièrement dans la recherche de la vérité. La connaissance des nombres donne la connaissance des choses. C'est cette position du nombre comme passage vers le divin que retient N. de Cues. Comme saint Augustin, il cherche, non un nombre exact, mais une proportion qui le conduise vers Dieu. 

En résumé, si saint Augustin ne fournit pas à N. de Cues une philosophie des mathématiques, il lui confère une caution morale dans son entreprise métaphysique en faisant des mathématiques un chemin autorisé vers Dieu, grâce à la vérité incorruptible du nombre.