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Maître Eckhart (1260-1327)

Il semble que N. de Cues ait lu les écrits de Maître Eckhart alors qu’il rédigeait le De docta ignorantia, et le De conjecturis. Sa bibliothèque renferme les Commentaires sur la Genèse et le Commentaire sur l’Evangile selon saint Jean. Il défend Maître Eckhart dans l’Apologie de la Docte ignorance :

«   Pour ma part, n'acceptant pas de laisser sans explication ce que l'adversaire avait allégué au sujet de Maître Eckhart, j'interrogeai le maître afin de savoir s'il avait entendu dire quelque chose sur lui. Il me répondit qu'il avait vu dans les bibliothèques de nombreux commentaires de ce dernier sur la plupart des livres de la Bible et un grand nombre de Sermons ainsi que maintes Questions disputées, et qu'il avait aussi lu plusieurs extraits de son Commentaire sur Jean, annoté et réfuté par d'autres théologiens. Il avait en outre aperçu à Mayence chez Maître Jean Guldenschaff un court texte de Maître Eckhart, où celui-ci réplique à ceux qui ont essayé de le censurer, en s'expliquant et en démontrant que ses censeurs ne l'ont point compris. Le maître affirma cependant n'avoir jamais lu qu'Eckhart eut estimé la créature identique au Créateur, louant au contraire son génie et son zèle. Mais il exprima néanmoins le souhait que ses livres fussent retirés des endroits publics, parce que le vulgaire est incapable de comprendre ce qu' Eckhart y insère souvent de contraire à la routine des autres docteurs, quoique les connaisseurs puissent y découvrir maintes suggestions subtiles et utiles. »

On voit par cet extrait que l’enjeu de cette défense est la présence de Dieu dans la création et l’accusation de panthéisme portée par J. Wenck contre Nicolas de Cues. Pour celui-ci, Dieu est en tout, mais sans anéantir pour autant les substances des choses dans leur être propre. Le Cusain fera attention à être plus précis que Maître Eckhart sur la distinction entre l’être de Dieu et l’être de la créature. Maître Eckhart identifie l’être et Dieu. Pour le Cusain, Dieu est au-dessus de l’être.

Dans Du détachement, on trouve une formule qui semble annoncer la docte ignorance : « Et lorsque le détachement en vient au plus élevé, de connaissance il devient sans connaissance… »

On trouvera d’autres thèmes communs à nos deux auteurs : la théologie négative, la divinisation de l’homme en Dieu, l’éternité de la création du monde. 

Meister Eckhart, Die deutschen und lateinischen Werke, 5 Bd. , Stuttgart-Berlin, Verlag von W. Kohlkammer, 1936.

Wackezapp, H., Der Einfluss Meisters Eckharts auf die ersten philosophischen Schriften des Nikolaus von Kues.

Koch, J., Vier Predigten im Geiste Eckharts, Heidelberg, 1936-1937.

Nicolas de Cues, Sermons eckhartiens et dionysiens, trad. F. Bertin, Paris, Cerf, 1998.

Nicolas de Cues, Trois traités sur la docte ignorance et la coïncidence des opposés, trad. F. Bertin, Paris, Cerf, 1991, pp. 61, 66 , 70. (Cf. éd. Herder, I, 564, 568, 570)