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Proclus (412-486) 

 

Proclus est le plus célèbre des philosophes de l'école néoplatonicienne. Presque toutes ses oeuvres nous sont parvenues, dont le Commentaire sur le premier livre des Eléments d'Euclide, son chef d'oeuvre. Grâce à cet ouvrage qui commente notamment les définitions géométriques d'Euclide, on peut se faire une idée précise de la définition métaphysique que Proclus donne aux objets mathématiques. 

Proclus compare la pensée à un miroir-plan : "Il faut entendre le plan pour ainsi dire comme préétabli et placé devant les yeux, la pensée comme y décrivant toutes choses, et l'imagination assimilée en quelque sorte à un miroir plan sur lequel les concepts de la pensée renvoient leurs propres images." (PROCLUS, Commentaire sur le premier livres des Eléments d'Euclide, p. 109). On retrouve la même image chez N. de Cues : "l'âme regardant en elle-même, produit à la fois les concepts mathématiques et les sciences qui les étudient." (De Mente, Herder, III, 554, et De Ludo Globi, Herder, III, 322). 

La géométrie est une pratique immatérielle. Par exemple, le cercle dans l'entendement est une trace idéale d'une opération mentale. La règle et le compas sont des instruments de production mentaux. Cette théorie trouve un écho précis chez N. de Cues, lorsqu'il écrit : "La pensée (...) constitue des assimilations aux formes, non en tant qu'elles sont immergées dans la matière, mais telles qu'elles sont en elles-mêmes, et elle conçoit les quiddités immuables des choses, usant d'elle-même comme instrument, sans aucun esprit organique, par exemple lorsqu'elle conçoit que le cercle est la figure telle que toutes les lignes tirées de son centre vers sa circonférence soient égales entre elles, alors que, selon ce mode-ci d'existence, il ne saurait exister aucun cercle hors de la pensée et dans la matière. (...) C'est pourquoi le cercle dans la pensée est le modèle et la mesure de la vérité du cercle tracé sur le sol." (De Mente, Herder, III, 538). 

Les objets géométriques sont des objets limités. La fonction de la limite est d'empêcher que la grandeur étendue ne s'échappe dans l'indétermination, qu'elle s'étende dans l'infini. Aussi, ce qui limite est-il inférieur d'une dimension à ce qui est limité. Par exemple, la ligne, qui n'a qu'une dimension, limite la surface plane qui en a deux. Une telle conception de la limite se retrouve, telle quelle, chez N. de Cues (De Docta Ignorantia, II, 3, Herder, I, 330). Cette fonction de la limite est stratégique dans une théorie de l'enveloppement des objets : chaque être qui cause d'autres êtres est cause du tout de ces êtres. La cause, non seulement détermine, mais enveloppe ce qu'elle cause. Un des principes de l'ordre de ces objets consiste à dire que le principe engendrant est plus riche que l'élément engendré. Chez N. de Cues, cela donnera une hiérarchie stricte du droit sur le courbe. Proclus admet un second principe : on reconnaît dans le caractère négatif des premières définitions le signe de la puissance des termes définis ; le point indivisible engendre la ligne divisible ; la ligne sans largeur engendre la surface. 

L'unité est, selon Proclus, l'objet le plus simple. N. de Cues reprend aussi cette simplicité de l'un (De Beryllo, Herder, III, 26). Pour Proclus, le point est un être de raison ; on trouve la même définition du point chez N. de Cues pour qui il n'existe pas à vrai dire plusieurs points, mais au fond, un seul (De Mente, Herder, III, 556, De Beryllo, Herder, III, 26) Proclus voit dans le cercle la première, la plus simple et la plus parfaite des figures géométriques. Le cercle l'emporte sur toutes par sa similitude, son identité avec soi-même. Il correspond au fini, à l'unité, au meilleur arrangement. Il est d'une nature plus divine que les autres figures. Le cercle est attribué au ciel, alors que les formes rectilignes sont attribuées à la génération. N. de Cues ne suit pas exactement Proclus sur la symbolique du cercle ; s'il y voit la simplicité, il n'y voit pas le symbole du fini, mais le symbole de l'éternité (De Ludo Globi, Herder, III, 234-236). Mais on retrouve chez Proclus et chez N. de Cues le même choix pour les symboles du céleste et du corruptible : l'homme en devenir est comme un polygone régulier ; s'il s'élève vers Dieu, il va, par la multiplication de ses angles, ressembler de plus en plus au cercle divin. (De Docta Ignorantia, III, 4, Herder, I, 448). 

L'influence de Proclus sur le Cusain est de première importance. Sauf sur quelques points relativement secondaires, l'essentiel de la philosophie des mathématiques du Cusain est tirée de Proclus. Nous devons en garder à l'esprit ces deux idées essentielles : chaque objet mathématique a sa place dans un ordre hiérarchique de participation à l'Un ; la recherche mathématique est un mouvement de conversion de la pensée vers l'Un. 

 

PROCLUS, Eléments de théologie, trad. J. Trouillard, Paris, Aubier-Montaigne, 1965. 

PROCLUS, Commentaire sur le premier livre des Eléments d'Euclide, trad. Paul Ver Eecke, Paris, Blanchard, 1940.