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CHARLES DE BOVELLES (1470?-1553)
Charles de Bovelles a suivi à Paris, au début du XVIè s., les cours de philosophie et de mathématiques de Jacques Lefèvre
d'Etaples, éditeur des
Opera Omnia de N. de Cues. Pierre Magnard voit en lui le "chaînon
manquant" entre le Cusain et Leibniz. Son admiration pour le Cusain se manifeste d'abord dans plusieurs oeuvres à prétention mathématique, puis à prétention philosophique comme
Le Sage (1509) et L'art des opposés (1509). Il écrit en 1510 :
Nicolas de Cues (homme admirable, tant dans les disciplines divines qu'humaines réunies), esprit excellent à conduire aux mathématiques ...
. Ses sources mathématiques sont la Geometria speculativa de Bradwardine imprimée à Paris en 1495 et les traités de N. de Cues imprimés dans ses
Opera dès 1488 à Strasbourg. Il écrit une dizaine de petits traités mathématiques, dont les quatre premiers ont été regroupés par Lefèvre d' Etaples en 1501 sous le titre
Introduction à la géométrie, et dont les six autres, regroupés par H. Estienne avec d'autres textes philosophiques, ont paru en 1510. Ch. de Bovelles publie également en 1511
la Géométrie en françois qui est le premier manuel de géométrie écrit en français, mais qui semble avoir été peu diffusé. On y trouve la même démarche que celle suivie par le Cusain pour la quadrature du cercle dans ses Compléments mathématiques, à savoir l'association de la proposition I de la mesure du cercle d'Archimède et de la figure en demi-cercle de Bradwardine pour trouver une moyenne proportionnelle. Surtout, on trouve exactement la même figure - avec le même texte et les mêmes lettres - que celle qu'imagine N. de Cues dans le
De mathematica perfectione, pour réduire une ligne droite à un arc. Il est évident que Ch. de Bovelles a bien connu les recherches mathématiques du
cusain. En 1542, il augmente son manuel et le publie sous le titre
Livre singulier et utile, touchant l'art et pratique de Géométrie. Cette version sera souvent rééditée. On y trouve une analyse critique des grands mathématiciens qui ont tenté la quadrature du cercle; seul Nicolas de Cues l'aurait réussie. Mais Ch. de Bovelles annonce qu'il a trouvé un autre moyen encore meilleur : Il explique qu'en observant la rotation de la roue d'un chariot sur le pavé de Paris, l'idée lui est venue de mesurer le rapport du diamètre à la circonférence avec une règle et un compas! Les connaissances scientifiques de Bovelles sont nettement inférieures à celles de son époque, par exemple chez Nicolas Chuquet ou Oronce Fine, et inférieures encore à celles de N. de Cues. N. Copernic ne manquera pas de le noter en marge de son exemplaire du
De Intellectu de Ch. de Bovelles. On trouve chez lui quantité d'emprunts à l'oeuvre du Cusain : le thème du Soleil, la vision de Dieu, le dialogue avec un
idiota, et bien sûr la même opération de coïncidence des opposés, mêlée de " calcul " proportionnel.Le niveau des spéculations de Ch. de Bovelles ne permet pas, loin s'en faut, de le voir comme un précurseur du rationalisme français, mais son travail éditorial et la première publication d'un manuel de géométrie en français ont pu préparer certains esprits à la lecture d'autres oeuvres plus consistantes. Charles de Bovelles en son cinquième centenaire
(1479-1979), Actes du Colloque international tenu à Noyon (14, 15, 16 Septembre 1979), Paris, éd. de la
Maisnie, 1982, p. 85. MAGNARD, Pierre, "Le chaînon manquant", in
Nicolas de Cues et G. W. Leibniz, Revue de Métaphysique et de Morale,
Avril-Juin 2011, n°2, PUF |