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René Descartes (1596-1650)
Selon
E. Mehl, Descartes aurait lu N. de Cues autour de 1629-1630. Il a pu lire
le De Staticis Experimentis traduit en allemand par Benjamin Bramer
en 1617 et le De Visione Dei publié en français par Golefer au début
de 1630.
Descartes
dit peu de choses sur N. de Cues, si l'on met à part sa remarque dans une
lettre à Chanut : En premier lieu, je me souviens que le Cardinal de
Cusa et plusieurs autres docteurs ont supposé le monde infini, sans
qu'ils aient jamais été repris de l'Eglise pour ce sujet. (lettre
à Chanut du 6 Juin 1647).
Cependant,
on trouve des ressemblances frappantes avec certaines idées du De
visione Dei. Descartes a repris la distinction entre savoir et
comprendre dans ses lettres à Mersenne du 27/5/1630 et du 6/5/1630 :
on peut savoir que Dieu est infini bien que notre esprit soit fini et ne
puisse le comprendre. On retrouve la même distinction et la relation
proportionnelle entre comprendre et aimer dans sa lettre du 6/5/1630 :
du fait même que nous ne comprenions pas l’infinité de Dieu, nous
l’en aimons davantage. On trouve une explication de la docte ignorance
dans sa lettre à Regius du 10/1/1642 : Comme, en effet, notre science
est parfaitement limitée, et que tout ce qui est su n’est presque rien
à côté de ce qu’on ignore, c’est une marque de savoir que de
confesser librement qu’on ignore les choses qu’on ignore : et la
docte ignorance consiste proprement en ceci, car elle appartient
proprement à ceux qui sont vraiment doctes.
L’idée
de la docte ignorance est reprise à la fin de la Regula VIII :
… il démontrera que la chose cherchée dépasse tout à fait la portée
de l’esprit humain et par suite il ne se croira pas plus ignorant pour
ce motif, parce qu’il n’y a pas moins de science dans cette
connaissance que dans n’importe quelle autre.
La
notion de conjecture apparaît dans ses quatrièmes et cinquièmes réponses,
ainsi que dans la lettre-préface aux Principes de la philosophie ( Il
n’y a véritablement que Dieu seul qui soit parfaitement sage…)
Kurt
Flasch voit dans la levée de l'interdit sur l'infinité de l'univers la
grande nouveauté de N. de Cues. Minois parle même de " l'audace
folle " de N. de Cues qui qualifie l'univers d'indéfini, terme qui
sera réutilisé par Descartes.
En
revanche, on ne trouvera pas chez le Cusain des antécédents de la
doctrine cartésienne de la création des vérités éternelles. Le statut
des vérités mathématiques n’est pas le même chez les deux auteurs.
On trouve parmi les opuscules cartésiens, une quadrature du cercle qui
utilise la méthode des isopérimètres. Cependant, rien n'indique une
quelconque influence des textes mathématiques du Cusain sur cette démonstration
cartésienne. L'intérêt de cet exemple serait plutôt de nous montrer l'écart
entre N. de Cues et Descartes : tout repose sur la notion de fonction dont
N. de Cues ne pouvait avoir aucune maîtrise.
DESCARTES,
R., Lettres à Mersenne des 27/5/1630 et 6/5/1630.
DESCARTES,
R., Lettre à Regius du 10/1/1642.
Mehl, Edouard, Descartes en Allemagne, Strasbourg, Presses Universitaires de Strasbourg, 2001, pp. 164-179.
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