DéVELOPPEMENT (explicatio) 

ET ENVELOPPEMENT (complicatio)

Le couple explicatio/complicatio ne peut être traduit par les mots "explication/complication" sans provoquer un malentendu. Un lecteur non latiniste ne peut deviner derrière eux les deux mouvements de l’être qui se répand dans les choses, qui s’y déplie (explicatio), puis qui se rassemble pour retrouver son unité et se replie (complicatio). Ces deux mots français désignent d’abord des opérations de la pensée dans son effort de connaissance : l'explication consiste à donner les causes d’un fait ; la complication consiste à composer, à ajouter des idées les unes aux autres. C’est pourquoi les deux termes développement et enveloppement, seront beaucoup mieux compris.

La complicatio ou enveloppement - littéralement le repliement - est ce par quoi tout est en Dieu. C'est un nom divin qui signifie la simplicité, l'égalité à soi-même. Dieu contient en lui tout ce qui peut exister. L'explicatio est ce par quoi Dieu est en tout. L'univers est le développement de Dieu dans la multiplicité et l'inégalité.

Pour illustrer ce couple de concepts, N. de Cues donne fréquemment des exemples géométriques. Le point est la complicatio de tous les objets géométriques. Le point se développe dans la ligne. Le point et la ligne se développent dans le cercle. La ligne se développe dans la surface, et la surface dans les corps. Le Créateur 1es a unis afin de constituer un point unique. L'enveloppement de l'univers a eu lieu dans ce point unique. On trouve le même genre d'exposé avec le nombre, exposé emprunté à la théorie de Plotin : le nombre est le principe selon lequel l'être se déploie dans les êtres. Il y a progression du nombre dans les êtres. A. Charles-Saget montre bien que le rapport de développement n'est pas un rapport de tout à parties, car alors il y aurait simplement une subdivision du tout en parties. C'est plutôt un rapport de causalité, chaque partie étant marquée par la cause et devenant à son tour principe d'autres développements. Le principe n'est pas seulement une unité ; c'est une puissance générative.


De docta ignorantia, §§. 105 à 108, 111

De coniecturis, §§. 95 à 98

Complementum theologicum, §§. 6, 9

De mente, §§. 73, 74

De ludo globi, §§. 85, 86, 92